Cinéma : les émotions du public sous les projecteurs

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Les émotions constituent des facteurs clés de l’attrait et du plaisir que ressent le public au cinéma. Médiamétrie approfondit l’analyse des ressentis des spectateurs et leur effet sur l’appréciation des contenus cinéma courts ou longs. En complément de ses études, elle fait désormais appel à une technologie d’intelligence artificielle développée par son partenaire Datakalab.

Le rôle des émotions dans les choix du public

Dans les domaines du divertissement et de la culture, le public recherche et éprouve des émotions. C’est particulièrement vrai pour le cinéma. Marine Boulanger, Directrice du département cinéma de Médiamétrie, relève : « la salle de cinéma est un lieu d’émotions. Nos études montrent que parmi les près de 42 millions de spectateurs en France en 2018, 3 sur 4 considèrent que cet art est avant tout un vecteur d’émotions »
Pour choisir le film qu’ils vont aller voir, 33% des spectateurs décident en fonction de sa bande-annonce. C’est en grande partie sur la base de ce qu’ils ressentent en regardant cette bande-annonce que les spectateurs décident ou non d’aller voir le film. En effet, le ressenti émotionnel joue un rôle essentiel dans la mémorisation des images vues, l’attention qui leur est portée et enfin l’intérêt accordé. 
Riadh Lebib, Docteur en neurosciences et Cognitive Designer chez SBT|Human(s) Matter, explique : « les émotions sont essentielles dans la première phase du processus de mémorisation. La rétention est d’autant plus forte qu’il y a un fort vécu émotionnel autour de la situation. Ceci est aussi bien valable pour les émotions positives que négatives ».
Pour Frank Tapiro, Chief Emotional Officer de Datakalab,  « Le souvenir des films au cinéma est la somme de toutes les émotions qu’ils ont provoquées ».
Les émotions déterminent donc l’appréciation et la notoriété d’un contenu et déclenchent une action de la part du spectateur : rechercher des informations, recommander le film, aller voir le film, etc. Elles orientent les choix du public, de plus en plus complexes face à la profusion de programmes proposés sur tous les écrans. L’environnement est riche en sources d’émotions en termes d’actualité, de culture, de divertissement. Pour capter les spectateurs de cinéma, la bande-annonce doit émerger parmi les autres offres et le film doit toucher le public pour bénéficier d’un bouche-à-oreille positif. Rien de surprenant alors à ce que les producteurs de films cherchent à toujours mieux comprendre les émotions que ressentent les spectateurs au visionnage d’une bande-annonce ou d’un film. Les études réalisées dans ce domaine leur permettent ainsi de réajuster certains éléments.

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Les tests de bande-annonce ou les projections tests de films réalisés par Médiamétrie permettent de mesurer de manière déclarative les ressentis des spectateurs : leur intention d’aller voir un film et de le recommander ; leur appréciation du film en général, des différentes scènes qui le composent, et précisément du casting, des personnages, de l’interprétation, des décors, de la musique.
En complément des impressions exprimées verbalement, les émotions se traduisent à travers les expressions du visage. Pour les décoder, Médiamétrie collabore désormais avec la société Datakalab - une start-up de la « braintech » spécialisée dans la quantification des réactions du visage à partir de technologies issues de l’intelligence artificielle.

Le deep learning au service des émotions

Datakalab utilise les méthodologies de Deep Learning pour mesurer l’attention et l’émotion des spectateurs. Les spectateurs de 15 ans et plus sont filmés alors qu’ils regardent une bande-annonce sur leur ordinateur ou un film en salle, par la webcam de l’ordinateur ou des caméras positionnées de part et d’autre de l’écran de cinéma. Leur consentement est bien entendu requis, ils sont entièrement conscients de participer à un test et la mesure est parfaitement compatible avec le Règlement Général sur la Protection des Données. 
Les vidéos sont transmises et analysées par Datakalab, qui les supprime ensuite. Xavier Fischer, CEO de Datakalab explique : « nos chercheurs ont développé un algorithme d’analyse de l’image qui identifie tout d’abord les 100 points caractéristiques des visages pour délimiter le nez, les yeux, la bouche. Il s’appuie pour cela sur la base de données Datakalab composée de centaines de milliers d’images. Plus il analyse d’images différentes, plus sa capacité de détection des points se perfectionne. »
L’algorithme mesure ensuite l’attention du spectateur, notamment en identifiant la direction de son regard, orientée vers l’écran ou ailleurs. Enfin, les micro-émotions non volontaires sont observées sur son visage à partir de l’activation des 42 muscles qui le composent, selon une classification établie par le psychologue américain Paul Ekman dans les années 1960. Les sept émotions sont identifiées : joie, surprise, peur, colère, mépris, dégoût, tristesse. Par exemple, un plissement du nez évoque le dégoût ; la joie s’exprime par la commissure des lèvres qui remonte et les yeux qui se plissent. La joie et la surprise expriment un ressenti positif, les autres émotions sont associées à un ressenti qualifié de divergent.

Datakalab
Le niveau d’attention du public et les pics d’émotions positives sont retranscrits sous forme de courbes qui détaillent à la seconde près les émotions, leur nature, leur fréquence, leur intensité, les pics d’attention. Les moments intenses vécus par le spectateur lors du visionnage sont identifiés. Médiamétrie et Datakalab ont ainsi défini 4 indicateurs clés : l’attention, la présence d’émotions, l’émotion positive et l’émotion divergente.
Pour Xavier Fischer : « l’être humain n’a pas la capacité de stockage de son émotion. On ne peut pas dire quels sont nos micro-ressentis passés. Notre but est de transformer ces signes extérieurs d’émotions en données pour pouvoir ensuite les utiliser. »

Les éléments du film analysés à la loupe

Ces informations, croisées avec les informations recueillies lors de l’enquête déclarative de Médiamétrie, confortent les émotions mesurées par rapport au ressenti déclaré. Elles permettent ainsi de confirmer les éléments porteurs du film ou ses faiblesses. Riadh Lebib analyse : « l’émotion - consciente ou non - est captée sur le moment. Le questionnaire recueille l’expérience que l’on en retient, c’est le ressenti ». Ainsi, l’étude renseigne précisément sur l’attachement ou non aux personnages, les scènes préférées, celles au contraire où les spectateurs décrochent, etc. Le rythme du film est analysé selon la fréquence et l’intensité des émotions.
Pour Marine Boulanger : « Si le film déclenche une émotion, alors il y aura un engagement du spectateur envers son contenu. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise émotion, les ressentis sont analysés au cas par cas ; le problème vient en l’absence d’émotions, d’indifférence de la part du spectateur ».
Médiamétrie ayant à son actif 250 projections tests de films, les niveaux observés sont ainsi comparés avec les standards pour évaluer leur puissance et estimer le potentiel en termes d’entrées du film. Marine Boulanger précise : « la mesure des émotions constitue un nouveau dispositif technologique simple et réactif. C’est un outil opérationnel au service de l’expertise des professionnels du film. Elle les aide à vérifier que le film véhicule bien les ressentis qu’ils ont voulu transmettre et à optimiser les scènes ». Les profils de spectateurs sont calibrés sur ceux de l’étude 75 000 Cinéma conduite chaque année par Médiamétrie et qui étudie et quantifie les spectateurs de cinéma, leur profil, leur assiduité.
Particulièrement adaptée au cinéma, cette technologie peut également être appliquée à d’autres domaines, et Médiamétrie étudie actuellement les perspectives dans les domaines de la consommation, de la publicité, des programmes TV ou vidéo.

Laure Osmanian Molinero
 

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