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Afrique : le renouveau du paysage audiovisuel
Faute de mesure d’audience automatique, le financement de la production locale est difficile face aux chaînes et plateformes internationales.
Les Africains, adeptes de télévision
Sur l’ensemble du continent africain, en 2017, la population a regardé la télévision en moyenne 3h23 par jour1, soit 30 minutes de plus que la moyenne mondiale qui se situe à 2h56. Cela représente une augmentation de 10 minutes par rapport à 2016. Une progression notamment liée à une consommation accrue de la télévision à Madagascar, en Afrique du Sud, au Maroc et en Côte d’Ivoire.
Cependant, ce chiffre reflète des disparités selon les pays : champions de la consommation TV, les Malgaches regardent la télévision 4h34 par jour, suivis des Algériens (3h40) puis des Camerounais (3h37). A l’opposé, seul le Sénégal a une pratique quotidienne inférieure à la moyenne mondiale.
Pour Arnaud Annebicque, Directeur du Développement Europe & Afrique de Médiamétrie, « En Afrique, la télévision est le média de masse par excellence, doublé de quelques spécificités propres au continent comme par exemple la consommation collective. La télévision est à la fois un média de divertissement et d’information, apprécié pour son ouverture au monde ». Son public concentre un profil un peu plus féminin et le sport – particulièrement le football – mobilise les foules.
La TNT, un déploiement à ses débuts
Dans ce contexte, l’arrivée progressive de la TNT sur le continent africain ouvre de nouvelles perspectives en termes d’offre. Décidé lors de la Conférence internationale sur les télécoms en 2006 à Genève, le passage à la télévision numérique terrestre est engagé depuis 2015 – avec des différences selon les pays - et devra être achevé en 2020.
Arnaud Annebicque observe : « Pour certains pays, la transition numérique représente simplement une évolution technique alors que d’autres en profitent pour développer l’offre de chaînes gratuites et ainsi remodeler leur paysage audiovisuel ». Il poursuit : « le public attend surtout de la TNT une offre de chaînes et de programmes plus riche et diversifiée, la dimension technique, telle que la qualité de l’image ou du son, arrivant au second plan ».
Actuellement, la TNT se déploie différemment d’un pays à l’autre. Qui dit diffusion dit naturellement équipements de réception dans les foyers. La progression de ces équipements est suivie dans le cadre du baromètre de la TNT en Afrique, lancé cette année par Médiamétrie et sa filiale Omedia pour la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Mali et le Sénégal. Destiné à accompagner la transition numérique en Afrique francophone, le baromètre mesure dans chaque pays concerné la perception que le grand public a de la TNT et son besoin en équipements numériques.
Au Sénégal, où le public reçoit déjà le signal télévisuel numérique hertzien depuis plus de deux ans, la notoriété de la TNT est très élevée : 93,3% de la population à Dakar la connaît.
La Côte d’Ivoire a quant à elle entamé sa mutation numérique fin 2016 avec l’attribution de 4 licences de télévision privée ; l’audiovisuel public bénéficie quant à lui de la possibilité de lancer une troisième chaîne en complément des deux déjà existantes. A Abidjan, où la communication n’a pas encore été lancée auprès du grand public, seuls 12,1% des gens connaissent la TNT. C’est toutefois une hausse de 4,6 points par rapport à fin 2017.
Le paysage audiovisuel africain s’appuie encore fortement sur le service public, incarné le plus souvent par un journal télévisé du soir largement regardé. Les nouvelles chaînes privées nationales qui apparaissent dans plusieurs pays ont généralement peu de moyens et donc des difficultés à commercialiser leurs espaces publicitaires, seules sources de revenus, et ce d’autant que les marchés publicitaires sont encore sous-investis faute d’une mesure d’audience quotidienne. Aujourd’hui seuls les acteurs étrangers – Canal + au premier chef – ont la capacité de proposer des contenus attractifs, souvent des productions panafricaines, avec un modèle d’accès payant à la télévision.
Un besoin de mesure d’audience
On le voit donc, le paysage audiovisuel africain évolue et s’ouvre aux acteurs internationaux. Les grandes plateformes internationales de SVOD gagnent en présence sur le continent. Dans ce contexte, Arnaud Annebicque observe : « Nous assistons à l’émergence d’une classe moyenne plus exigeante en termes de contenus audiovisuels », notamment locaux, un phénomène observé partout dans le monde. Pour cela, les nouvelles chaînes privées doivent avoir les moyens d’investir dans la production locale, des ressources qu’elles ne peuvent obtenir que par la publicité. Qui dit marché publicitaire, dit mesure d’audience. Arnaud Annebicque poursuit : « Sans mesure d’audience permettant de s’aligner sur les standards internationaux, le marché publicitaire est sous-investi ».
Bien que la consommation TV soit élevée, les mesures d’audience restent relativement peu développées sur le continent. Deux pays ont pris de l’avance avec une mesure d’audience TV automatique et quotidienne : le Maroc via Marocmétrie, filiale de Médiamétrie (voir encadré) et l’Afrique du Sud. Médiamétrie conduit également des mesures d’audience déclaratives depuis 2011 au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, avec son partenaire Omedia, société d’études média et marketing implantée dans plusieurs pays d’Afrique et qui opère des enquêtes et études dans une quinzaine de pays d’Afrique francophone subsaharienne.
Les études démontrent que le poids du marché publicitaire TV dans l’économie est stimulé par la mesure d’audience. Une mesure d’audience fiable génère des investissements publicitaires accrus, stimule la consommation des ménages et donc joue un rôle positif dans l’économie. Arnaud Annebicque complète : « En générant des ressources publicitaires supplémentaires, la mesure d’audience favorise le développement d’une filière de production locale, dont les Africains sont demandeurs, tout comme les Etats eux-mêmes ».
Compte tenu des investissements à engager pour mettre en place une mesure d’audience automatique, les Etats ont un rôle crucial à jouer : tout d’abord en aidant le marché à s’organiser à travers des organisations professionnelles, et aussi en impulsant la mise en œuvre d’une mesure d’audience automatique et quotidienne.
En Côte d’Ivoire par exemple, l’ouverture à la concurrence du secteur TV avec l’arrivée de la TNT a pour effet d’activer la concurrence entre les chaînes, les agences et les annonceurs et donc d’enclencher une réelle dynamique sur le marché. Sera-t-elle le prochain pays africain à mettre en place une mesure d’audience automatique ?
[1] Source : Eurodata TV Worldwide-Médiamétrie
Laure Osmanian Molinero
Pour en savoir plus, lire : Contenus TV en Afrique, entre productions locales et plateformes internationales
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