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Le public et les médias, un lien renforcé pendant le confinement
Dès le 17 mars, premier jour du confinement en France, les Français de tous âges se sont tournés massivement vers les médias : pour s’informer avant tout, et aussi se divertir, consommer et rester en contact avec le monde extérieur, dont ils ont été provisoirement coupés. Cette période a révélé le lien très fort du public avec les médias. Les mesures d’audience de la télévision et d’Internet – automatiques - ont poursuivi leur fonctionnement pendant cette période. Médiamétrie a analysé l’impact du confinement sur les comportements du public avec la télévision et Internet. En voici les principaux enseignements.
Une augmentation forte de la consommation de télévision et d’internet
Dès les premiers jours du confinement, le temps consacré à la télévision a connu une progression spectaculaire, témoignant du rôle central du média pour accompagner les Français dans cette période de crise. En moyenne, le public a passé chaque jour environ une heure douze de plus qu’un an auparavant devant la télévision.
Ainsi, pendant les 6 premières semaines de confinement (du 17 mars au 26 avril 2020), la durée d’écoute individuelle de la télévision (DEI) s’est élevée en moyenne à 4h41 quotidiennes, contre 3h29 un an auparavant, soit une augmentation de plus d’un tiers.
C’est auprès des jeunes que l’augmentation du temps dédié à la télévision est la plus marquée : + 65% pour les 15-24 ans avec 1h47 quotidienne. Ils sont également plus nombreux : plus de 58% des 15-24 ans ont regardé la télévision chaque jour pendant le confinement. Soit une hausse de 18 points en un an. Les catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+) ont, elles aussi, beaucoup plus regardé la télévision : leur DEI a augmenté de 56% en un an.
Pour Julien Rosanvallon, Directeur Exécutif Télévision et Internet de Médiamétrie, « cette période a montré que les liens entre les jeunes et la télévision sont extrêmement forts ».
L’augmentation de l’audience s’observe dès 8 heures le matin et se confirme tout au long de la journée. Les pics d’audience sont nettement plus marqués et se situent au moment des journaux d’information de 13 et 20 heures. Le pic du soir est ainsi avancé : il intervient en moyenne à 20h49 avec 29,7 millions de téléspectateurs contre 21h32 et 24,1 millions de téléspectateurs il y a un an. Julien Rosanvallon poursuit : « Cela s’explique par l’importance des JT, un moment où les Français se retrouvent massivement devant la TV pour s’informer et être connectés à un collectif qui fait forcément défaut pendant cette période de confinement ».
Les chaînes thématiques ont vu leurs audiences grimper : entre le 16 mars et le 26 avril 2020, 5 millions de téléspectateurs supplémentaires les ont regardées chaque jour, une augmentation de 35% en un an. Elles rassemblent 18,8 millions de téléspectateurs au total sur la journée.
Le public utilise également le téléviseur pour pratiquer les jeux vidéo, la VOD ou SVOD, le visionnage de DVD, se rendre sur les plateformes vidéo, les applications Smart TV… Ces activités sont en augmentation d’une demi-heure par jour sur la période et représentent 1h07 quotidienne en moyenne sur les 6 semaines. En termes de durée absolue, cette évolution est toutefois beaucoup moins importante que celle du temps consacré à regarder des programmes de télévision. Le temps consacré à regarder des contenus TV est largement majoritaire : il représente 81% du temps passé devant le téléviseur. Parmi les autres usages du téléviseur, Julien Rosanvallon précise : « la pratique de la SVOD a progressé de façon significative : en moyenne, pendant le confinement, 34% des internautes de 4 ans et plus ont regardé au moins un contenu en SVOD chaque semaine, contre 23% en moyenne dans les semaines précédentes ».
L’utilisation du replay progresse elle aussi, mais dans une moindre mesure que la télévision en direct. Cette pratique représente plus de 8 minutes pendant le confinement, contre plus de 6 minutes un an auparavant (+31%).
La pratique internet a également connu une nette augmentation pendant le confinement. Le temps consacré à Internet a connu une forte poussée, de plus d’un tiers (36%) entre le 17 et le 31 mars 2020, représentant 2h50 par jour (2h05 en mars 2019). Les 15-24 ans ont passé 4h50 par jour sur Internet (+49% par rapport à mars 2019), les 50 ans et plus 2h09 par jour (+41%).
Entre le 17 et le 31 mars 2020, 73,4% des Français se sont connectés à internet. Ils étaient 71,8% en mars 2019. Pour Bertrand Krug, Directeur du Département Internet de Médiamétrie : « tous les écrans ont progressé et le mobile reste le premier écran de connexion ; toutefois la progression est plus forte pour l’ordinateur et la tablette, des écrans prioritairement utilisés à domicile ».
En mars 2020, 45,8 millions de Français se sont connectés chaque jour à internet, ils étaient 45,1 millions en mars 2019. Le pic de connexions du mois de mars a eu lieu le premier jour du confinement, le 17 mars : ce jour-là, 46,4 millions de personnes étaient en ligne. En moyenne, 1 million d’internautes supplémentaires ont navigué sur internet chaque jour entre le 17 et le 31 mars 2020, par rapport à la même période en 2019. Bertrand Krug souligne : « ces chiffrent mettent également en perspective la fracture numérique : un peu plus de 9 millions de Français n’ont pas accès à internet ».
L’Information bat des records
Naturellement, les Français se tiennent étroitement informés des évolutions de la pandémie et des décisions gouvernementales. En témoignent les performances exceptionnelles réalisées par les Journaux Télévisés – rallongés - et les chaînes d’information en continu. L’information a représenté 23% du visionnage total de programmes, contre 15% en temps normal. Une pratique soutenue par le nombre important d’éditions spéciales.
Les chaînes d’information ont vu leurs audiences grimper. BFM TV, CNews, LCI et FranceInfo: réalisent ensemble une part d’audience moyenne de 7,6% sur les 6 semaines de confinement, soit un bond de près de 3 points en un an. L’intérêt est encore plus fort chez les jeunes entre 15 et 24 ans, dont la part d’audience sur ces chaines d’info est multipliée par trois. Leur couverture quotidienne progresse de 63%, elle atteint près de 21 millions de téléspectateurs sur la journée. Ce sont en moyenne 8 millions de téléspectateurs supplémentaires qui les ont regardées chaque jour par rapport à la même période l’année dernière.
L’audience des sites et applications Internet d’information a également bondi. 5 marques de presse font leur entrée dans le top 20 des sites internet en mars 2020, et 2 marques françaises – Franceinfo: et Le Figaro - se placent dans le top 10. Pendant le confinement, 22,3 millions de Français ont visité les sites et applications d’actualités (+5 millions par rapport à mars 2019). Les internautes ont recherché l’information au plus proche de chez eux : l’information locale ou régionale – sites Internet de radio et presse - a doublé son audience numérique pendant le confinement en mars. Pour Bertrand Krug, « le succès de l’information sur internet pendant cette période témoigne de la forte confiance dans les marques médias, et de la diversité des sources d’information consultées ».
Audiences historiques des interventions présidentielles
Les interventions du Président de la République et du Premier Ministre ont été massivement suivies par les Français, rivés aux annonces des décisions de l’exécutif sur les mesures de prévention de l’épidémie et les restrictions de sorties et déplacements. Les niveaux d’audience atteints sont des records absolus, jamais vus jusqu’ici. Deux interventions d’Emmanuel Macron multidiffusées ayant rassemblé chacune plus de 35 millions de téléspectateurs en moyenne confirment le rôle central de la télévision dans ces moments exceptionnels. Les interventions du Premier Ministre mobilisent aussi largement les Français.
Place au divertissement et aux valeurs refuge
Les circonstances exceptionnelles que connaît le monde ont un impact fort sur la programmation des chaînes. Tout d’abord en raison des exigences du confinement : suspension de tournages, montages d’émissions impossibles à réaliser. Les chaînes ont diminué la fréquence de certaines fictions pour en étaler la diffusion le temps du confinement. Les émissions de flux qui ont lieu en direct sont décalées à plus tard, et, faute d’inédits, plusieurs émissions font l’objet de rediffusions. D’autres programmes ont été ajournés pour faire place à plus d’information en cette période. Les émissions sont désormais présentées sans public, et certains présentateurs les animent depuis leur domicile.
Les chaînes de télévision ont modifié significativement leurs grilles pour faire une plus grande place au divertissement et plus particulièrement aux programmes d’humour. Les Français cherchent à se distraire avec des programmes légers et déconnectés de l’actualité, ceux-ci dépassant semaine après semaine leurs records d’audience.
Les chaînes de télévision, privées de leur capacité de production, se sont adaptées en diffusant des films « culte » et probablement rassurants tels que La Grande Vadrouille ou Les Tontons Flingueurs. Et ceci avec succès : 42 millions de personnes ont regardé ne serait-ce qu’en partie l’un ou plusieurs des 19 films français parmi les 20 films ayant réalisé la meilleure audience sur la période ; 8 de ces films affichent Louis de Funès à leur générique et 14 sont antérieurs aux années 80.
Au cours de cette période, 346 programmes (hors journaux télévisés) ont dépassé 3 millions de téléspectateurs, il y en avait 305 un an auparavant. Et 63 ont dépassé les 5 millions (31 en 2019).
Aussi, les Français, privés de sortie dans les lieux culturels fermés en ces temps de confinement, trouvent une offre alternative à la télévision. Que ce soit une soirée dédiée à Beethoven sur Arte (384 000 téléspectateurs), le ballet Gisèle sur France 5 (281 000 téléspectateurs), l’opéra Rigoletto sur TF1 (70 000 téléspectateurs). Des scores d’audience très significatifs rapportés à la jauge d’une salle de concert ou d’Opéra. Télévision et digital maintiennent le lien à la culture.
Le divertissement rassemble aussi largement sur internet : Médiamétrie//NetRatings comptabilise 23,2 millions de visiteurs uniques quotidiens sur les sites de vidéo et cinéma en mars 2020 (+8% vs mars 2019), et 8,6 millions sur les sites de TV et radio (+24% vs mars 2019). L’appétence pour les contenus a également entraîné une augmentation du piratage, qui repart à la hausse après une baisse observée depuis un an : 10 millions de visiteurs uniques ont consulté les sites de piratage en mars 2020, en progression de 12% par rapport à février 2020.
Le divertissement sur internet recouvre des thématiques très variées couvertes par des sites qui ont vu leurs audiences bondir : les jeux en ligne (18,4 millions de visiteurs uniques quotidiens ; + 9% en un an), les magazines people et l’infotainment (+33%), l’humour (+59%), la cuisine (+40%). Phénomène nouveau, alors que le sport à l’extérieur s’est considérablement réduit, l’audience des applications de fitness a été multipliée par deux. Sur le plan culturel, l’audience quotidienne du site du Louvre a été multipliée par 4.
L’achat et la consommation en ligne en nette progression
Pour Bertrand Krug, « cette période de confinement a bouleversé ou accéléré de nouvelles pratiques en matière de consommation. La période a été très propice au commerce en ligne ». L’audience des sites marchands a progressé de 16% en mars 2020 par rapport à mars 2019 : ce sont 16,4 millions de personnes qui se sont rendues sur ces sites chaque jour. Le phénomène le plus marquant est la progression fulgurante du drive : les sites et applications proposant ce système d’achat ont connu une augmentation de 153% avec 2,1 millions de visiteurs uniques quotidiens en mars 2020.
Rester en contact avec le monde extérieur
Télévision et Internet ont représenté des moyens essentiels de garder le contact avec le monde extérieur pendant le confinement. Avec l’enseignement tout d’abord. France 4 a bouleversé sa grille avec La Maison Lumni, offrant des programmes éducatifs dispensés par des professeurs à destination des jeunes. Près de 20 millions de Français ont regardé les cours Lumni à la télévision, dont 3,7 millions de 4-14 ans. L’audience moyenne des cours de primaire est de 203 000 téléspectateurs, le record ayant eu lieu le 30 mars avec 493 000 téléspectateurs. Internet a également permis de garder le lien avec l’enseignement : en mars, 9 millions de Français se sont connectés chaque jour à un site d’éducation ou de formation, un bond de 33% par rapport à mars 2019.
L’univers digital a pris tout son sens à travers la mise en relation des proches, familles et amis, et du monde du travail. Le poids des réseaux sociaux et messageries a considérablement augmenté : 2,4 millions de visiteurs uniques supplémentaires s’y sont rendus chaque jour, soit 38,3 millions de personnes sur ces sites et applications. Les internautes y ont consacré plus d’un tiers (34%) de leur temps passé sur internet en mars 2020 (+5 points par rapport à mars 2019). Outre l’explosion de WhatsApp qui atteint 13,5 millions de visiteurs uniques (+65% en un an), les usages sur Discord (audience doublée en un an) et Tik Tok (+167% en un an) s’accélèrent. Les services de visioconférence ont émergé, certains ayant des audiences très faibles il y a encore un an : le temps passé sur l’application Zoom a été multiplié par 10 en un mois (7 millions de visiteurs uniques en mars 2020, 500 000 en mars 2019) ; le site Houseparty a quant à lui rassemblé 1 million de visiteurs uniques au mois de mars.
Autre secteur qui a pris son essor, dans un contexte où la santé occupe une place très importante : la consultation médicale en ligne, pratiquée par 1,5 million de visiteurs uniques chaque jour, soit un bond de 33% en un an.
Comment ces nouvelles habitudes vont-elles évoluer avec le début du déconfinement ? L’observation des comportements du public dans les semaines qui viennent sera probablement encore riche d’enseignements. Pour Julien Rosanvallon, « le 11 mai marque le début d’une nouvelle phase. La crise aura été un révélateur de l’importance des médias et du digital dans la vie des Français et du rôle majeur de la télévision dans sa capacité à créer et connecter un collectif. Cette crise est le point de départ de nouvelles habitudes de vie, qui entraîneront aussi de nouveaux usages médias ».
3 questions à Marine Boulanger, Directrice du pôle Cinéma et Entertainment de Médiamétrie
Qu’avez-vous observé concernant la pratique des loisirs pendant le confinement ?
Confinés à leur domicile et parfois dans l’impossibilité de travailler, les Français ont eu plus de temps à leur disposition ce qui a favorisé des pratiques - médias ou autres - plus sédentaires, par opposition aux usages mobiles et en déplacement. Ainsi, la lecture, les jeux vidéo, le piratage, la télévision, la SVOD, la VOD ont bénéficié du confinement. La télévision, en live ou en replay, a particulièrement progressé, véhiculant des valeurs d’apprentissage, d’information, de découverte, de divertissement, et d’ouverture sur le monde. La SVOD et les jeux vidéo ont également fortement progressé.
Comment la pratique de la SVOD a-t-elle évolué pendant le confinement ?
D’après notre étude sur le Public de la SVOD, nous observons que depuis le confinement, c’est en moyenne 18,4 millions d’internautes (34%) qui regardent au moins un contenu en SVOD chaque semaine, soit 6 millions de plus qu’avant le confinement (12,4 millions, 23% des internautes). En termes de contenus, le public privilégie toujours les séries. Il a toutefois regardé davantage de films pendant le confinement : ils représentent 30% des contenus regardés contre 20% auparavant.
La pratique de la SVOD, en progression depuis 2015, s’est accélérée pendant le confinement. Un phénomène qui concerne tous les profils : les 15-34 ans sont toujours au rendez-vous, et depuis le début du confinement, on observe une nette augmentation du nombre de femmes, des 50 ans et plus et des enfants avec notamment l’arrivée de Disney+ et l’offre jeunesse gratuite d'Amazon Prime Vidéo.
Pensez-vous que la progression va se poursuivre ou se stabiliser dans les mois qui viennent ?
C’est ce que nous allons continuer à mesurer chaque semaine avec notre étude « Public de la SVOD », qui mesure depuis janvier 2020 les pratiques SVOD dans un dispositif hebdomadaire, en interrogeant en ligne 1 500 internautes de 4 ans et plus sur leur utilisation des plateformes, les contenus visionnés, les supports utilisés. L’étude permet d’observer les comportements au global, par plateforme, par cible, par contenu, par genre de programme. Ce que l’on observe aujourd’hui c’est que le public reconnaît de nombreux avantages à la SVOD tels que son ergonomie, sa facilité de résiliation, le nombre et la qualité de ses contenus, les prix attractifs, le partage de compte, et l’aisance pour se l’approprier. Ils lui attribuent une note de satisfaction globale de 8,3/10 et envisagent de poursuivre leur utilisation dans les 6 prochains mois.
Laure Osmanian Molinero
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