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Innover dans les méthodes pour accompagner le changement
Avec les innovations technologiques et les nouveaux usages, les études reposant sur des échantillons sont confrontées à un univers de plus en plus complexe. D’autant que, pour le grand public, les sondages sont souvent réduits au seul domaine des sondages politiques, et donc « ont plutôt actuellement mauvaise presse », constate le directeur général adjoint de Médiamétrie, Philippe Tassi. Pourtant, il s’agit « d’une approche très mathématique qui s’appuie sur la théorie des probabilités » et qui consiste à « observer une partie d’un ensemble et en extrapoler les résultats », rappelle-t-il, se référant au texte fondateur des sondages de Jerzy Neyman de 1934.
Pour maîtriser les risques, la société d’études d’audience, qui analyse au quotidien les résultats des 50 000 membres de ses panels, s’appuie sur la multiplicité. « Pour augmenter la précision et la pertinence des retours des panélistes, la multiplicité des modes de contact est importante, tout comme celle des modes d’animation pour les fidéliser », souligne Jacques-François Fournols, directeur exécutif en charge des ressources et des opérations.
Avec la multiplicité des sources tout d’abord, il s’agit de « contrôler le risque de sous-dénombrement ou de sur-dénombrement de la population cible », pointe Lorie Dudoignon, directrice de l’innovation scientifique. Dans son étude Home Devices(1) sur les équipements multimédias des foyers, Médiamétrie a décidé, pour garantir une couverture optimale, d’interroger par téléphone les personnes sondées –« seulement 0,3%% des 12 ans et plus ne sont pas équipés [d’un téléphone]», précise Jamila Yahia Messaoud, directrice du département comportements médias-, à partir des bases d’annuaires et d’une sélection aléatoire. Il faut ensuite pondérer les interviews, pour ne pas privilégier les catégories de personnes équipées soit exclusivement de mobiles, soit exclusivement de téléphone fixe, soit des deux.
Avec la multiplicité des modes de recueil ensuite, il s’agit de « garantir une bonne participation des panélistes », mais aussi de « s’adapter aux évolutions des usages ». Ainsi, pour la mesure de l’audience radio, Médiamétrie a introduit dès le début des années 2000, dans le recueil de l’enquête 126 000 Radio, l’utilisation du mobile, qui représentera 40% des entretiens fin 2017 contre 30% actuellement. Et pour le panel radio(2), ses 10 000 membres ont progressivement délaissé le carnet d’écoute papier historique pour l’ordinateur puis l’appli sur tablette et smartphone. Ce changement s’est accompagné d’une évolution de l’application pour simplifier le travail de restitution des comportements d’écoute. « Le principe est de s’adapter à la zone de confort des panélistes (…), dont 76% ont répondu online sur la dernière période », note Emmanuelle Le Goff, directrice du département radio. Mais « ils utilisent les différents supports de façon complémentaire », précise Lamine Diallo, responsable du pilotage des panels.
Avec la multiplicité des animations enfin, il s’agit de fidéliser les panélistes. Pour son étude Internet Global, qui mesure l’audience des marques Internet sur tous les écrans, Médiamétrie, qui fusionnait jusqu’ici les trois panels ordinateur, mobile et tablette, a opté pour « la création à la fin 2017 d’un échantillon unique multi-écrans », annonce le directeur adjoint de Médiamétrie//NetRatings, Bertrand Krug. Un panel représentatif d’une population en accroissement, puisque près de 17,5 millions d’internautes utilisaient jusqu‘à trois écrans chaque mois pour se connecter à Internet mi-2016. Cela signifie réussir à équiper tous les supports d’un « meter » – nom donné au logiciel de mesure qui suit le surf des panélistes. Différents canaux sont sollicités pour demander aux panélistes d’installer ce meter. « Il est de plus en plus complexe de les joindre, constate Alexandre Karimjy, Directeur de projet. Nous leur adressons donc d’abord un mail initial pour les informer, ce qui suscite quelques retours ; puis un courrier afin qu’ils se connectent à une interface. Pour un contact plus direct, nous continuons avec un SMS ; et enfin, nous terminons par une grande campagne d’appels pour maximiser la compréhension des panélistes et l’installation des logiciels. » Résultat : nous multiplions par 2 le nombre de foyers qui installent le logiciel. Y compris ceux avec des jeunes, a priori plus difficiles à toucher mais qui, après un contact personnel direct, se révèlent très réactifs. « Il faut communiquer activement et régulièrement avec les panélistes », généralise Alexandre Karimjy. « C’est la méthode mise en place pour qu’ils se sentent engagés, c’est-à-dire impliqués ».
Quand panels et big data font bon ménage
Les mesures d’audience s’adaptent en permanence aux nouveaux usages et technologies, qui s’accélèrent avec les données. Médiamétrie détaillait ses innovations lors du Hotspot(s) « Panels et Data » début décembre.
Est-il pertinent d’opposer les approches « Big Data » et études traditionnelles sur données d’échantillons, voire d’imaginer que les données massives vont remplacer les panels ? Pour Médiamétrie, « la conviction est plutôt que ces deux mondes doivent se compléter, s’enrichir et se parler », souligne Benoît Cassaigne, directeur exécutif en charge des mesures d’audience. Car « les big data ne sont pas forcément la panacée, elles complètent et renforcent l’existant », confirme Bernard Chesnet, le directeur exécutif technologies et systèmes d’information.
En TV, les data ont déjà pris de l’importance pour l’industrie des programmes, servant notamment aux algorithmes pour la recommandation. Même chose pour l’industrie publicitaire, qui est passée au ciblage comportemental et s’est ouverte à l’audience planning avec le programmatique. Mais ces data n’en comportent pas moins des limites, comme « la question de leur propriété, l’absence de mutualisation ou le manque de profondeur temporelle », énumère Benoit Cassaigne, des faiblesses auxquelles répondent les panels, avec leurs populations homogènes, une mesure au niveau d’un individu et non d’un objet, un profilage très clair et une profondeur permettant d’avoir une vue globale.
D’où la nécessité de développer des mesures d’audience hybrides, mélangeant deux sources d’information pour en créer une troisième plus riche et plus précise. Ce que Médiamétrie commencé à faire dès 2010, en basant sa mesure de l’internet mobile sur les logs opérateurs exhaustifs et un panel de mobinautes. L’approche hybride a été ensuite appliquée à l’internet fixe en 2012 en croisant données de panel et résultats site-centric, puis à la TV avec les données des boxes de CanalSat en 2014. Et, en 2016, la mesure hybride a concerné l’audience de l’internet mobile selon le modèle de l’internet fixe et dans un proche avenir sera employée pour la mesure internet via tablettes.
Pour combiner panels et data, Aurélie Vanheuverzwyn, directrice des analyses et méthodes scientifiques explique qu’il existe deux approches : « soit la méthode dite Log Up, où la mesure repose principalement sur la donnée exhaustive, que l’on qualifie avec la donnée d’enquête ; soit la méthode Panel Up, où la data enrichit de façon cohérente les résultats d’enquête. Tout dépend des données à disposition et des besoins du marché », poursuit la directrice scientifique.
Cependant la montée en puissance des usages du multi-écrans -3,1 millions de personnes regardent la TV au quotidien sur un autre écran que celui du téléviseur- a déjà amené Médiamétrie à faire dialoguer les panels, à l’instar du travail mené sur la mesure d’audience TV 4 écrans, qui utilise d’une part les panels Médiamat, PaME (Google et Médiamétrie) et de Médiamétrie//NetRatings pour la vidéo et d’autre part la mesure eStat’Streaming.
Ce dispositif opérationnel pourrait préfigurer la future mesure de l’audience. Face aux évolutions en cours – mobilité devenant prépondérante, fragmentation des audiences, augmentation du délinéaire dans la consommation des programmes et du nombre de cibles avec le programmatique-, Médiamétrie travaille à la mise en place d’une plate-forme globale où panels et data communiqueraient pour une unique mesure globale TV et Internet. « C’est encore au stade de concept », nuance Aurélie Vanheuverzwyn. Avec néanmoins l’année 2020 comme objectif affiché.
Didier Si Ammour
(1)L’étude Home Devices recense les équipements multimédias des foyers et individus en France. Plus de 50 produits technologiques appartenant aux 4 univers clés (Audiovisuel, informatique, téléphonie et accès à internet) sont recensés. La nouvelle méthodologie permet un recueil précis et optimisé des équipements : 40 000 interviews sont menées chaque année réparties par téléphone et par internet
(2)Complémentaire de l'enquête 126 000 Radio, le Panel Radio permet de connaître en profondeur les comportements et les habitudes d'écoute de la population sur trois semaines consécutives. L’objectif du Panel Radio est de mieux comprendre les comportements des auditeurs sur une période longue (duplications entre stations, transferts d’une station à l’autre, renouvellement et fidélité de l’auditoire...) et d’alimenter les modèles de média-planning.
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