Transformation des usages, nouvelle donne pour l'audience

Par Julien Rosanvallon, Directeur Exécutif Télévision et Internet

Les écrans et devices numériques sont aujourd’hui omniprésents dans les foyers Français. En moyenne, on dénombre plus de 6 (6,5) écrans par foyer, soit deux de plus qu’il y a 10 ans. Cette multiplication des écrans a de fait ouvert la perspective d’une transformation des usages des médias.

Au cours des 10 dernières années, la révolution numérique a induit une forte croissance du temps passé à consommer les médias : le temps que nous consacrons à ces activités a progressé de plus de 20%. Contrairement à ce que beaucoup anticipaient, cette croissance a essentiellement été bâtie comme une addition. Les courbes de consommation d’Internet, de la TV & de la Radio témoignent de cette complémentarité. La Radio est très puissante le matin, la TV rencontre une large part de son public en fin de journée et le soir. Les usages d’Internet sont eux répartis homogènement toute la journée. Le fort développement du mobile, qui accompagne les Français tout au long de la journée, représente plus de la moitié du temps passé sur Internet. Notons d’ailleurs qu’il ne faut pas limiter Internet à sa dimension média. Les mesures des usages du numérique regroupent aussi bien la consommation de services, de plateformes marchandes, d’outils de communication / réseaux sociaux et de contenus / médias.

Les médias TV, Radio & Presse ont compris très tôt les enjeux de la digitalisation. Le numérique a très vite pesé dans les audiences de la presse. Pour la radio, les supports digitaux et enceintes connectées contribuent aujourd’hui à plus de 13% de l’audience. Près du quart des internautes écoutent désormais des Podcasts. Pour le média TV, l’avènement du digital a entraîné une bascule progressive d’une partie de la consommation de la TV en live, vers la TV de rattrapage (replay) et sur les écrans Internet. Au total, ces consommations de la TV délinéarisées et sur les écrans Internet pèsent désormais environ 10% de l’ensemble des usages TV.

Cette évolution des comportements média s’accompagne naturellement de nouveaux formats publicitaires : brand content, pre-roll, publicité adressée, post sponsorisés, publicités « In-Game » ... Cette complexité, qui entraîne parfois une forme d’opacité, est au cœur des discussions avec les acteurs du marché. L’heure est désormais aux actes et à la transformation. Le label digital AdTrust, que l’on retrouve d’ailleurs dans les mesures de Médiamétrie, en est une illustration. La mesure d’audience doit aussi jouer son rôle en apportant des réponses aux nouveaux usages et nouveaux modèles publicitaires qui émergent.

Le premier enjeu est l’évolution continue des mesures pour refléter les nouveaux usages. La mesure Internet est devenue Globale en intégrant les 3 écrans, ordinateur, mobile et tablette. La mesure TV prend en compte la consommation du différé, du replay, sur les écrans Internet et depuis les plateformes OTT et dès 2020, le hors-domicile grâce à une nouvelle technologie portée. La radio envisage également d’utiliser progressivement la mesure automatique dans les études de référence. Aussi, Médiamétrie a récemment lancé une nouvelle mesure du Podcast, une autre de la SVoD et annoncé la prochaine intégration de l’audience de YouTube dans la mesure d’audience vidéo 3 écrans.

Le deuxième enjeu est celui de l’adaptation des mesures aux transformations de l’écosystème publicitaire. Si la notion historique de médiaplanning peut sembler désuète dans un univers digital où tout se mesure automatiquement, elle est en réalité centrale. Faire du Médiaplanning, c’est prévoir de façon neutre et indépendante les performances à venir d’une campagne. C’est aussi conserver une vision globale de la performance en termes de répétition et de couverture. C’est un des projets essentiels auquel Médiamétrie s’est attelé en repensant les outils de planning digital pour calculer des prévisions toujours plus précises et cohérentes avec Digital AdRatings, la plateforme des bilans de campagnes en ligne.

La mesure d’audience ne peut par ailleurs plus se penser comme un outil figé et isolé des autres mesures. Dans l’écosystème numérique, les AdServers et donc potentiellement les données des annonceurs, doivent pouvoir dialoguer et être connectées aux plateformes de mesure pour enrichir, affiner et valider leur ciblage. Cette connexion aux Datas implique aussi le développement de mesures d’audience hybrides intégrant des « Data » certifiées de tiers, comme c’est le cas dans la mesure Internet Global. Et ce d’autant plus dans la perspective de la publicité TV segmentée.

Enfin, le digital a besoin de faire émerger de nouvelles métriques qui permettront de produire une analyse globale de l’exposition publicitaire. Nos travaux sur le GRP Vidéo menés avec les médias, agences et annonceurs en sont une illustration. La principale rupture de ce modèle est l’introduction de la mesure du temps dans une mesure digitale qui se contentait souvent d’impressions ou de clics. Des travaux similaires sont menés aux Etats-Unis, notamment par le Cross Media Research Group.

Toutes ces grandes évolutions des usages appellent donc des transformations tout aussi grandes dans les systèmes de mesure d’audience et leur utilisation dans l’écosystème publicitaire. Le New Deal des médias implique donc un New Deal de la mesure d’audience sur lequel Médiamétrie est déjà engagé.

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